Le syndrome de compression du nerf ulnaire au coude est une pathologie souvent méconnue mais pourtant fréquente, et dont les symptômes poussent souvent les patients qui en souffrent à consulter en ostéopathie. Explications !

Ostéopathie et syndrome de compression du nerf ulnaire au coude par Florian Gaubert, ostéopathe à Uchaud dans le Gard

Préambules anatomiques :

  • Le coude :

Le coude est un complexe articulaire complexe, qui réunit l’humérus, os du bras, à l’ulna et le radius, os de l’avant-bras. Sa fonction est de permettre une grande amplitude de mouvements en flexion / extension et en prono-supination (mouvement qui permet d’orienter la paume de main vers le haut et le bas) afin de diriger la main dans l’espace.

Le coude est composé de trois articulations synoviales, que sont :

  • l’articulation huméro-ulnaire : de type trochlée, elle permet la flexion / extension de l’avant-bras sur le bras
  • l’articulation huméro-radiale : de type sphéroïde, elle permet la flexion / extension et la prono-supination de l’avant-bras
  • l’articulation radio-ulnaire : de type trochoïde, elle permet la prono-supination de l’avant-bras

Le coude est également constitué de moyens d’union passifs, à savoir une capsule articulaire commune, un appareil ligamentaire en commun et une membrane interosseuse. Il est également constitué de moyens d’union actifs, que sont les nombreux muscles répartis en trois loges : antérieure (8 muscles), latérale (3 muscles) et postérieure (9 muscles). On distingue alors les muscles fléchisseurs, extenseurs, pronateurs et supinateurs.

Enfin, le coude permet le passage de nombreuses structures vasculaires et nerveuses du bras à l’avant-bras, comme le nerf ulnaire qui s’étend du rachis cervical à la main.

Anatomie du nerf ulnaire :

Le nerf ulnaire est un nerf du membre supérieur, mixte, c’est à dire ayant un rôle sensitif et moteur.

‣ Origine :

Il né du rachis cervical, étant formé par le faisceau médial du plexus brachial au niveau de la région axillaire entre l’artère axillaire et l’artère subscapulaire. Les racines nerveuses rachidiennes dont dépend le nerf ulnaire sont C8 et T1 au niveau cervical.

Trajet :

Dans la fosse axillaire, il se dirige en bas et en dehors en accompagnant l’artère axillaire en dedans de celle-ci. Il devient ensuite vertical et chemine le long du septum inter-musculaire médial du bras en avant du chef médial du triceps et en arrière du muscle brachial, à la face interne du bras. Entre le septum inter-musculaire médial et le triceps, le nerf ulnaire passe sous une bande fibreuse appelée « arcade de Struthers » juste au dessus du coude. Il passe ensuite dans la gouttière épitrochléo-olécranienne médiale du coude, dans laquelle il est sous-cutané, et qui est formée par la face postérieure de l’épicondyle médiale de l’humérus et la face interne de l’olécrâne de l’ulna. Juste en dessous du coude, il s’engage ensuite sous l’arcade du fléchisseur ulnaire, autrement appelée « ligament d’Osborne » (ou « arcade d’Osborne »). Puis, le nerf ulnaire chemine en arrière du fascia profond de l’avant-bras, à la face antéro-médiale du muscle fléchisseur profond des doigts, dans la concavité du muscle fléchisseur ulnaire du carpe, avec l’artère ulnaire. Au niveau de l’extrémité inférieure des os de l’avant-bras, le nerf ulnaire se trouve entre le tendon du fléchisseur ulnaire du carpe en dedans et les tendons du fléchisseur profond des doigts en dehors, avant de passer dans le canal de Guyon au niveau du carpe, toujours accompagné de l’artère ulnaire.

Au cours de son trajet, le nerf ulnaire distribue de nombreuses branches collatérales pour le coude, pour l’artère ulnaire, pour le fléchisseur ulnaire du carpe, pour les deux chefs médiaux du fléchisseur profond des doigts.

Représentation anatomique du trajet du nerf ulnaire au coude, en vue médiale par Florian Gaubert, ostéopathe à Uchaud dans le Gard

Terminaison :

A la sortie du canal de Guyon au niveau du carpe, le nerf ulnaire se divise en deux branches terminales : une branche superficielle pour innerver le muscle court palmaire et se divisant en nerfs digitaux palmaires et une branche profonde pour l’innervation des muscles de la loge hypothénar, l’adducteur du I, le chef profond du court fléchisseur du I, les deux derniers muscles lombricaux et les muscles interosseux palmaires et dorsaux. 

Rôle moteur :

Le nerf ulnaire est moteur pour les muscles fléchisseur ulnaire du carpe, les deux faisceaux médiaux du fléchisseur commun profond, les deux derniers muscles lombricaux, les muscles de la loge hypothénar, les muscles interosseux palmaires et dorsaux, l’adducteur du I, le chef profond du court fléchisseur du I et le muscle court palmaire. 

Rôle sensitif :

Le nerf ulnaire est sensitif uniquement pour la main :

  • à la face palmaire : il gère la sensibilité de toute la peau en dedans de l’axe du IV
  • à la face dorsale : il innerve tout ce qu’il y a en dedans de l’axe du III, sauf la moitié médiale de la 2 ème et 3 ème phalange du III et la moitié latérale de la 2 ème et 3 ème phalange du IV 

Qu’est-ce que le syndrome de compression du nerf ulnaire au coude ? 

Le syndrome de compression du nerf ulnaire au coude est la résultante de l’atteinte du nerf ulnaire lors de son passage dans la région du coude. Plusieurs processus physiopathologiques sont responsables de cette compression nerveuse :

  • origine « statique » : en général, c’est le rétrécissement d’une zone anatomique inextensible, d’origine pathologique ou traumatique qui entraîne un phénomène compressif pour le nerf sur son trajet
  • origine « dynamique » : dans ce type d’atteinte, la compression du nerf dépend plutôt de la réalisation de mouvements répétitifs ou de postures contraignantes irritatifs pour le nerf
  • origine « statico-dynamique » : la compression du nerf ulnaire dépend ici de phénomènes mixtes, à la fois statiques et dynamiques

Il existe trois zones de compression possibles du nerf ulnaire au coude :

  1. sous l’arcade de Struthers, juste au dessus du coude, entre le septum inter-musculaire médial et le chef médial du triceps
  2. dans la gouttière épitrochléo-olécranienne : il s’agit de la zone de compression la plus fréquente du nerf ulnaire au coude. A la flexion du coude, une mise en tension du rétinaculum de la gouttière épitrochléo-olécranienne (qui recouvre le nerf ulnaire et forme le « toit » de la gouttière) entraîne une diminution de son diamètre donc une augmentation de la pression canalaire, qui, associée à la mise en tension du nerf ulnaire permet son glissement. Une perte de glissement physiologique du nerf ulnaire dans la gouttière épitrochléo-olécranienne peut alors entraîner sa souffrance, notamment lors de la flexion répétée du coude
  3. sous le ligament d’Osborne, en dessous du coude, et plus largement sous le muscle fléchisseur ulnaire du carpe

Représentation anatomique des trois zones de compressions du nerf ulnaire au coude par Florian Gaubert, ostéopathe à Uchaud dans le Gard

Le syndrome de compression du nerf ulnaire au coude est une pathologie fréquente, touchant souvent les individus d’âge moyen et est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes. Il s’agit de la 2 ème cause de compression nerveuse au membre supérieur, la 1 ère étant le syndrome du canal carpien (compression du nerf médian au poignet).

Étiologies

Il n’y a pas toujours de cause(s) connue(s) et identifiable(s) à l’origine du syndrome de compression du nerf ulnaire au coude. Dans ce cas, l’origine est alors dite « idiopathique ». Lorsqu’il est possible d’en identifier, nous retrouvons : 

  • des mouvements répétés et / ou postures nocives liés à la réalisation d’activités extra-professionnelles comme professionnelles : appui prolongé et répété du coude sur un support dur, flexion du coude répétée et flexion du poignet avec inclinaison ulnaire répétée (jardinage, bricolage, ménage, etc …), réalisation de travaux entraînant des vibrations importantes au niveau du coude, réalisation de travaux exécutés dans un environnement de travail froid, etc …
  • des séquelles de traumatismes : séquelles de fractures ou de luxation du coude, formation d’un cal vicieux consécutif, hématome, etc …
  • une hypertrophie du chef médial du triceps, notamment chez les haltérophiles ou joueurs de baseball
  • une possible luxation du nerf ulnaire aux abords de la gouttière épitrochléo-olécranienne
  • la présence d’un muscle surnuméraire, comme le muscle épitrochléo-anconéen qui tapisse le toit de la gouttière épitrochléo-olécranienne lorsqu’il est présent, et peut être source de compression pour le nerf ulnaire
  • des origines systémiques : hypothyroïdie, diabète, grossesse …
  • des origines rhumatismales : hypertrophie synoviale, arthrose du coude (rare), kyste synovial, ostéochondromatose, etc …
  • des causes plus rares : anomalies anatomiques congénitales diverses, tumeur (lipome, hémangiome, schwannome …), présdence d’un ganglion, etc …

Les signes cliniques du syndrome de compression du nerf ulnaire au coude

Plusieurs symptômes sont présents dans le syndrome de compression du nerf ulnaire au coude, apparaissants le plus souvent de manière progressive :

  • des paresthésies à type de fourmillements, engourdissements, picotements dans le territoire du nerf ulnaire de la main : au niveau du bord interne de l’annulaire et de l’ensemble de l’auriculaire notamment lors de la mise en flexion prolongée du coude ou lors de mouvements répétitifs de flexion / extension du coude
  • une hypoesthésie (diminution de la sensibilité) des deux derniers doigts touchant aussi les faces dorsale et palmaire du versant interne de la main
  • des décharges électriques et / ou brûlures sur le trajet du nerf ulnaire de l’avant-bras aux deux derniers doigts, à la flexion prolongée du coude ou dans certaines positions statiques du coude fléchi contre un appui
  • une douleur ou sensibilité au coude, une sensation de lourdeur et de crampes dans l’avant-bras et le bord interne de la main
  • une fatigabilité musculaire appelée « parésie » notamment de la flexion des deux derniers doigts, au serrage de la main, en pianotant sur un clavier, en jouant d’un instrument, etc …
  • une recrudescence nocturne de ces signes, notamment lorsque le coude est fléchi pendant le sommeil, à l’origine de réveils la nuit avec le besoin de tendre le coude, mais aussi une recrudescence matinale de ces signes, avec sensation de main raide nécessitant un temps de « dérouillage » le matin au réveil
  • une sensation de ressaut au coude lors de ses mouvements de flexion / extension en cas d’instabilité du nerf ulnaire dans la gouttière épitrochléo-olécranienne
  • parfois une amyotrophie (« fonte musculaire ») du versant interne de la main, dans les cas sévères, avec possible attitude dite « en griffe ulnaire » de la main au niveau des 4 ème et 5 ème doigts

Traitements

Une prise en charge adaptée est essentielle et varie selon la sévérité et l’impact des symptômes du syndrome de compression du nerf ulnaire au coude dans la vie quotidienne.

  • le traitement est d’abord dit « conservateur » dans les formes précoces et paucisymptomatiques :  
    1. prévention : mise en place de stratégies d’évitement ou de compensation des gestes et efforts favorisants les symptômes, comme les activités impliquants une flexion du coude prolongée, l’appui du coude en flexion sur un support dur (comme le repos du bras gauche à la fenêtre d’une voiture en conduisant), adaptation ergonomique du poste de travail, etc …
    2. mesures non pharmacologiques : port d’une attelle nocturne de repos du coude le maintenant en extension, thérapies manuelles : rééducation en kinésithérapie et prise en charge en ostéopathie
  • les traitements médicamenteux : il consistent en la prescription d’antalgiques et / ou anti-inflammatoires
  • l’intervention chirurgicale : elle est proposée dans les formes évoluées de la pathologie, lorsque la douleur est réfractaire aux traitements conservateur et médicamenteux. Cette chirurgie se fait en ambulatoire et consiste à libérer la compression du nerf ulnaire au coude ou à effectuer une transposition antérieure du nerf ulnaire lorsqu’il est instable dans la gouttière épitrochléo-olécranienne

La prise en charge du syndrome de compression du nerf ulnaire au coude en ostéopathie

Ostéopathie et syndrome de compression du nerf ulnaire au coude par Florian Gaubert, ostéopathe à Uchaud dans le Gard

L’ostéopathie peut accompagner un patient souffrant d’un syndrome de compression du nerf ulnaire au coude dans la réalisation de son traitement conservateur.

L’objectif d’une prise en charge en ostéopathie est de traiter les éventuelles dysfonctions somatiques (altération de la mobilité, de la viscoélasticité ou de la texture des composantes du système somatique) diagnostiquées plus ou moins à distance du nerf ulnaire irrité au coude et pouvant participer à l’entretien de la symptomatologie du patient, pour permettre ainsi de potentialiser les effets du traitement dit « conservateur ».

L’ostéopathe peut par exemple être amené à traiter une restriction de mobilité d’une articulation propre du coude, mais aussi plus à distance du poignet et de l’épaule, un trouble de tonicité neuro-musculaire de l’environnement tissulaire du nerf ulnaire à proximité du coude, une perte d’élasticité fascia de l’avant-bras, etc …

L’ostéopathe mettra en place les techniques les plus adaptées, les plus confortables et surtout les plus efficaces pour prendre en charge au mieux son patient. Elles peuvent être de différents types selon l’objectif du praticien. Il peut choisir de concentrer son action sur la mobilité ostéo-articulaire grâce à des techniques manipulatives ou des techniques de mobilisation passive. Il peut aussi choisir de spécifier son action sur des troubles de tonicité musculaire grâce à des techniques de ponçage, myotensives ou bien encore d’étirements spécifiques. Il peut également choisir d’agir sur l’élasticité aponévrotique grâce à des techniques plus spécifiques à visée fascia, etc … Enfin, il peut pratiquer des techniques à visée « neurodynamique », particulièrement adaptées dans le cas de la prise en charge d’un syndrome de compression du nerf ulnaire au coude, permettant ainsi de mobiliser le tissu nerveux et plus précisément le nerf ulnaire atteint.

En bref, l’ostéopathe dispose d’un panel de techniques qu’il inclus dans un traitement holistique afin de permettre la meilleure prise en charge possible pour son patient ! 

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