De nombreux parents qui amènent leur nourrisson en cabinet d’ostéopathie se posent la question de l’impact que pourraient avoir d’éventuels freins buccaux « restrictifs » sur les troubles d’allaitement de leur enfant. Face à ce diagnostic souvent pensé à tort, voici des explications claires s’appuyant sur des études fiables et récentes.

Préambule

L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) recommande l’allaitement exclusif au sein les six premiers mois de la vie du nourrisson. Malheureusement, en pratique, peu de mères atteignent cet objectif en raison de troubles divers qui ont bien souvent lieu au cours du premier mois de vie de l’enfant.

Si dans la plupart des cas il n’est pas aisé de proposer une réponse simple à un trouble de l’allaitement pouvant être d’origine multifactorielle, nous assistons depuis plusieurs années à l’émergence d’un nouveau diagnostic. Celui-ci repose sur une restriction de mobilité de la langue appelée « ankyloglossie », pouvant être à l’origine de troubles de la succion perturbant voire empêchant l’allaitement maternel. L’origine de l’ankyloglossie est alors quasi-systématiquement associée à un frein de langue « restrictif » ou « court »

Qu’est ce qu’un frein de langue « restrictif » ?

En anatomie, un « frein » est un petit pli de tissu conjonctif, dynamique, qui fixe ou restreint le mouvement d’un organe mobile. Dans la cavité buccale, plusieurs freins sont normalement présents : 

  • le frein qui relie la langue au plancher de la bouche
  • le frein qui relie les lèvres à la gencive
  • des freins qui relient la muqueuse buccale à la gencive

Parfois, ce tissu lingual peut être décrit comme structurellement « trop court » et serait alors, selon certains professionnels, à l’origine de difficultés à prendre le sein, de douleurs et de lésions des mamelons et d’un mauvais transfert de lait.

La médiatisation des freins de langue « restrictifs » a été de plus en plus importante au cours de ces dix dernières années, ce qui est sans doute, à l’origine de surdiagnostic de la part de professionnels intervenants dans la prise en charge des troubles de l’allaitement. 

Quel est alors le traitement proposé contre les freins buccaux «restrictifs » ?

Le traitement le plus couramment utilisé après un diagnostic d’ankyloglossie est la frénotomie, qui est la section chirurgicale, définitive, d’un ou de plusieurs freins buccaux « restrictifs »

Or, plusieurs essais contrôlés randomisés (études à haut niveau de preuves) concluent que cette chirurgie n’a pas toujours d’effets positifs sur l’alimentation de l’enfant, d’autant plus qu’il n’existe pas de lien démontré entre un frein de langue court et des troubles de l’allaitement chez le nourrisson

Il n’est donc pas possible de garantir l’amélioration des difficultés d’allaitement après une frénotomie.

Ce que les travaux de recherche nous apprennent

Les différentes études publiées sur le sujet révèlent que :

  • tout déficit au niveau des mouvements de la langue et/ou des lèvres n’est pas systématiquement à l’origine d’une mauvaise prise du sein, d’une succion peu efficace et d’un mauvais transfert de lait
  • la conception d’une relation de cause à effet rentre la présence d’un frein de langue « restrictif » et des troubles de l’allaitement repose sur un mécanisme de succion erroné. En effet, selon ce modèle, lors de la succion, la langue de l’enfant comprimerait le sein en le plaquant contre le palais et en faisant des mouvements ondulatoires pour guider le lait vers l’oesophage. Or, les données échographiques montrent que le mécanisme essentiel de l’allaitement repose sur une dépression intrabuccale effectuée par l’enfant associée à la pression positive d’éjection du lait. La langue ne fait que suivre les mouvements de la mâchoire inférieure de l’enfant. Ainsi la mobilité de la langue n’intervient que très peu dans le mécanisme de la succion !
  • dans la majorité des cas, les difficultés d’allaitement attribués à un frein de langue « restrictif » ne sont pas d’origine structurelle mais relèvent vraisemblablement plus d’un problème de succion dysfonctionnelle, multifactorielle et complexe
  • de nombreux nourrissons présentant un frein de langue « restrictif » arrivent à se nourrir normalement au sein sans que cela nécessite une prise en charge particulière
  • selon les résultats d’une étude parue en 2018, les nourrissons ayant subi une frénotomie ont en réalité cessé d’allaiter plus tôt que prévu
  • les connaissances embryologiques et anatomiques montrent que la structure du frein de langue chez l’enfant est la même que chez l’adulte ce qui éloigne l’idée répandue selon laquelle, le frein de langue est une « bande » ou bien une « corde » potentiellement problématique chez le nourrisson

Conclusion

Les difficultés d’allaitement sont souvent complexes à résoudre, à tel point qu’elles sont souvent synonymes de transition brutale vers l’alimentation au biberon. Un frein de langue court est une cause potentielle de difficultés d’allaitement mais n’en constitue qu’un seul des nombreux facteurs pouvant les favoriser. Il n’est donc pas pertinent de répondre uniquement par la prise en charge d’un frein de langue « restrictif » pour traiter un trouble de la succion. 

Au contraire, il est nécessaire et primordial d’analyser le contexte dans lequel se passe l’allaitement afin de répondre par une prise en charge globale indispensable à l’établissement des hypothèses diagnostiques pouvant expliquer les problèmes rencontrés. 

L’ostéopathie, par son approche globale et fonctionnelle, répond aux exigences que nécessitent la prise en charge des troubles de l’allaitement. 

Après une anamnèse complète, l’ostéopathe bilante l’ensemble du corps du nourrisson afin de déterminer les zones anatomiques dysfonctionnelles potentiellement en lien avec le trouble de la succion rencontré. Puis il les traite grâce à des techniques indolores et adaptées, pour redonner toutes leurs fonctions aux régions du corps impliquées dans le processus de succion.

Si vous avez une question sur cet article « Mise au point sur les freins buccaux « restrictifs » chez l’enfant allaité, n’hésitez pas à me contacter !

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter la publication du Dr Gisèle Gremmo-Féger, pédiatre, paru en Janvier 2021 sur lequel cet article s’appui : « La saga des « freins buccaux restrictifs » chez l’enfant allaité »