Le syndrome du Lacertus Fibrosus donne des symptômes pour lesquels les patients consultent souvent en ostéopathie. Il s’agit d’une pathologie fréquente, pourtant souvent méconnue. Voici dans cet article tout ce qu’il y a à savoir à son sujet !
Préambules anatomiques
● Qu’est-ce que le Lacertus Fibrosus ?
Le Lacertus Fibrosus est une expansion aponévrotique inextensible composée de tissu conjonctif provenant du muscle biceps brachial et se dirigeant à la partie antéro-médiale de l’avant-bras.
Il a une action de stabilisation du tendon distale du biceps brachial et a un rôle de protection du nerf médian qui passe à sa face inférieure.
● Anatomie du nerf médian :
Le nerf médian est un nerf du membre supérieur, mixte, c’est à dire ayant un rôle sensitif et moteur.
‣ Origine :
Il né du rachis cervical, étant formé par la réunion de la branche médiale du faisceau antéro-latéral et de la branche latérale du faisceau antéro-médial du plexus brachial, au niveau de la région axillaire, en avant de l’artère axillaire. Les racines rachidiennes dont dépend le nerf médian sont C5, C6, C7, C8 et T1 au niveau cervical.
‣ Trajet :
Dans la fosse axillaire, il se dirige en bas et en dehors en accompagnant l’artère axillaire. Il devient ensuite vertical et accompagne l’artère brachiale dans le canal brachial avant de déboucher dans la gouttière bicipitale médiale. Puis il devient oblique en bas et en dehors, passe derrière le Lacertus Fibrosus, devient vertical en passant successivement entre les deux chefs du rond pronateur sous l’arcade du fléchisseur commun superficiel, pour cheminer dans l’avant-bras entre le muscle fléchisseur commun superficiel et le muscle fléchisseur commun profond, donc entre les plans superficiel et profond de la loge antérieure de l’avant-bras. Il passe enfin dans le canal carpien en avant du tendon fléchisseur commun superficiel destiné au doigt II. Au cours de son trajet, le nerf médian distribue de nombreuses branches collatérales.
‣ Terminaison :
A la sortie du canal carpien, le nerf médian se divise en nerfs thénariens, en nerfs digitaux palmaires communs et en nerfs digitaux palmaires propres.
‣ Rôle moteur :
Le nerf médian est moteur pour les muscles de la loge antérieure de l’avant-bras (sauf le fléchisseur ulnaire du carpe et les deux chefs médiaux du fléchisseur commun profond), pour les muscles de la loge thénar (sauf l’adducteur du I et le chef profond du court fléchisseur du I), et pour les deux premiers muscles lombricaux. La fonction motrice du nerf médian est donc de contrôler la flexion de la main, l’opposition du pouce (notamment la pince pouce / index) et la pronation de l’avant-bras (mouvement qui permet d’amener la paume de la main vers le sol).
‣ Rôle sensitif :
Le nerf médian est sensitif pour une partie de la main :
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- à la face palmaire : il gère la sensibilité de toute la peau latéralement à l’axe du IV, sauf la base de la loge thénar
- à la face dorsale de la main : il innerve les 2 ème et 3 ème phalanges des doigts II et III, et la moitié latérale du doigt IV
Qu’est-ce que le syndrome du Lacertus Fibrosus ?
Le syndrome du Lacertus Fibrosus, aussi appelé « syndrome de compression du nerf médian au coude », se caractérise par la compression dynamique du nerf médian sous le Lacertus Fibrosus.
Cette compression du nerf médian entre une aponévrose (tissu inextensible) et des muscles est dite « dynamique » car elle dépend de la sollicitation du Lacertus Fibrosus lors de certains mouvements spécifiques répétitifs et disparaît en dehors de ce contexte d’effort. C’est ce qui différencie le syndrome du Lacertus Fibrosus d’autres compressions neurologiques dites « statiques », comme le syndrome du canal carpien, pour lequel le point compressif du nerf médian entre, cette fois-ci, un ligament (structure aussi inextensible) et certains os du carpe ne dépend pas uniquement de la réalisation de certains mouvements spécifiques donnés. C’est par exemple pour cette raison que les symptômes du Lacertus Fibrosus ne réveillent pas les patients la nuit, contrairement au syndrome du canal carpien, ce qui en fait d’ailleurs l’une de ses caractéristiques.
Le syndrome du Lacertus Fibrosus est probablement une pathologie très courante, mais probablement sous-diagnostiquée car encore méconnue. Il touche autant les hommes que les femmes, en général après 35 ans.
Étiologies
Puisqu’il s’agit d’une syndrome de compression neurologique dynamique, il est important de comprendre qu’aucune cause de compression « statique » n’est retrouvée dans le syndrome du Lacertus Fibrosus. Différents facteurs de risque pourraient être à l’origine des symptômes décrits :
- la répétition de gestes de préhension ou la répétition de mouvements du poignet en pronation avec le coude en flexion, notamment chez les travailleurs effectuant des tâches manuelles répétitives de précision, chez certains musiciens et chez certains sportifs (tennisman, golfeurs, etc …)
- une hypertrophie musculaire de l’avant-bras, favorisant la compression dynamique du nerf médian sous le Lacertus Fibrosus, fréquentes chez certains sportifs
- un antécédent de traumatismes ou de micro-traumatismes répétés au niveau du coude pouvant entraîner une inflammation localisée au niveau du Lacertus Fibrosus
- les personnes atteintes d’un syndrome du canal carpien ont une probabilité plus grande de développer un syndrome du Lacertus Fibrosus (cette double atteinte nerveuse est appelée « double crush syndrome »)
Les signes cliniques du Lacertus Fibrosus
Les symptômes du syndrome du Lacertus Fibrosus peuvent ressembler fortement à ceux du syndrome du canal carpien. C’est d’ailleurs ce qui explique que son diagnostic est souvent tardif. Tous les symptômes du Lacertus Fibrosus sont inconstants, intermittents, majoritairement unilatéraux et présents uniquement la journée. Nous retrouvons :
- des douleurs mal localisées au niveau de la face antérieure du coude et de l’avant-bras, pouvant parfois diffuser jusque dans l’épaule
- une sensation de lourdeur et de crampes dans l’ensemble de l’avant-bras et de la main
- des paresthésies à type de fourmillements, engourdissements, picotements au niveau des doigts longs (surtout dans l’index et le majeur mais aussi dans l’annulaire, sans que soit concerné le pouce, sauf si le syndrome du Lacertus Fibrosus est associé à un syndrome du canal carpien), mais pouvant aussi se localiser au niveau de la paume de main, du poignet et de la face antérieure de l’avant-bras
- une fatigabilité musculaire appelée « parésie » notamment de la flexion du pouce et de l’index, de la pince pouce / index, de la flexion du poignet et à la pronation de l’avant-bras : tendance à « lâcher » les objets, difficulté à ouvrir un bocal ou une bouteille, perte de dextérité de la main, etc …
- la persistance de symptômes après une chirurgie du syndrome du canal carpien
Diagnostic
Puisque le syndrome du Lacertus Fibrosus est la compression dynamique du nerf médian au niveau du coude, son diagnostic repose uniquement sur la clinique. En effet, l’électromyogramme qui est l’examen de référence pour détecter une éventuelle souffrance d’un nerf ne permet pas de mettre en évidence la compression dynamique du nerf médian sous le Lacertus Fibrosus.
Son diagnostic repose sur ce qu’on appelle la « Triade de Hagert » :
- une douleur ou « point gâchette » au point de compression du nerf médian sous le Lacertus Fibrosus
- une perte de force spécifique du long fléchisseur du I, du long fléchisseur du II et du fléchisseur radial du carpe
- un « Scratch Collapse Sign » mettant en évidence une irritation nerveuse du nerf médian sous le Lacertus Fibrosus
Traitements
Une prise en charge adaptée est essentielle et varie selon la sévérité et l’impact des symptômes du syndrome du Lacertus Fibrosus dans la vie quotidienne.
- le traitement est d’abord dit « conservateur » dans les formes précoces et paucisymptomatiques :
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- prévention : mise en place de stratégies d’évitement ou de compensation des gestes favorisants les symptômes, adaptation de l’activité physique voire arrêt du sport quand cela est envisageable, K-Tape, etc …
- mesures non pharmacologiques : port transitoire d’une attelle de fonction pour limiter la réalisation des mouvements douloureux, rééducation en kinésithérapie (massage, étirements musculaires adaptés, etc …), prise en charge en ostéopathie …
- les traitements médicamenteux : il consistent en la prescription d’antalgiques et / ou anti-inflammatoires, par voie orale ou parfois par infiltrations
- l’intervention chirurgicale : elle est proposée dans les formes plus évoluées, lorsque la douleur est réfractaire aux traitements conservateur et médicamenteux. Cette chirurgie se fait en ambulatoire et permet une récupération quasi-immédiate de la force de la main une fois le nerf médian libéré sous le Lacertus Fibrosus
La prise en charge du syndrome du Lacertus Fibrosus en ostéopathie
L’ostéopathie peut accompagner un patient souffrant d’un syndrome du Lacertus Fibrosus dans la réalisation de son traitement conservateur.
L’objectif d’une prise en charge en ostéopathie est de traiter les éventuelles dysfonctions somatiques (altération de la mobilité, de la viscoélasticité ou de la texture des composantes du système somatique) diagnostiquées plus ou moins à distance du nerf médian irrité sous le Lacertus Fibrosus et pouvant participer à l’entretien de la symptomatologie du patient, pour permettre ainsi de potentialiser les effets du traitement dit « conservateur ».
L’ostéopathe peut par exemple être amené à traiter une restriction de mobilité d’une articulation propre du coude, mais aussi plus à distance de l’épaule et du poignet, un trouble de tonicité neuro-musculaire de l’environnement tissulaire du nerf médian à proximité du Lacertus Fibrosus, une perte d’élasticité fascia de l’avant-bras, etc …
L’ostéopathe mettra en place les techniques les plus adaptées, les plus confortables et surtout les plus efficaces pour prendre en charge au mieux son patient. Elles peuvent être de différents types selon l’objectif du praticien. Il peut choisir de concentrer son action sur la mobilité ostéo-articulaire grâce à des techniques manipulatives ou des techniques de mobilisation passive. Il peut aussi choisir de spécifier son action sur des troubles de tonicité musculaire grâce à des techniques de ponçage, myotensives ou bien encore d’étirements spécifiques. Il peut également choisir d’agir sur l’élasticité aponévrotique grâce à des techniques plus spécifiques à visée fascia, etc … Enfin, il peut pratiquer des techniques à visée « neurodynamique », particulièrement adaptées dans le cas de la prise en charge d’un syndrome du Lacertus Fibrosus, permettant ainsi de mobiliser le tissu nerveux et plus précisément le nerf médian atteint.
En bref, l’ostéopathe dispose d’un panel de techniques qu’il inclus dans un traitement holistique afin de permettre la meilleure prise en charge possible pour son patient !
Si vous avez une question sur cet article « Ostéopathie et syndrome du Lacertus Fibrosus », n’hésitez pas à me contacter !